Le Laboratoire du Docteur ès Science, Karl Olsfer

Karl était assis, les pieds sur son bureau encombré de feuilles, notes, repas et cendriers, cigarette à la bouche, et griffonnait d'un air contrarié des calculs sur un carnet sale et bien rempli.

"La lumière... La lumière...." Répetait-il en mâchonnant son crayon.

Oui, la lumière. D'après certaines de ses récentes découvertes sur la diffraction de la lumière, la lumière pouvait être considérée comme un onde mais aussi comme un ensemble de particules, qu'il avait appelé "Lumitrons". Mais il bloquait sur les preuve. Trop d'éléments se contredisaient, tournoyant dans sa tête comme la poussière dans le soleil.
Excédé, il jeta son carnet sur le bureau, reposa ses pieds à terre, se pencha en avant et se prit la tête dans les mains. Il resta quelques minutes ainsi, puis, relevant un peu la tête, il en profita pour jeter un œil sur son laboratoire.

Une pièce enfumée et sale, chauffée par un énorme poêle à charbon, projetant une fumée grise. Dos au mur, son bureau. Devant lui, sa cuisine/laboratoire, remplie de poids en cuivre, d'alambics en tous genres, tubes, fioles aux couleurs inquiétantes, assiettes sales... A sa gauche, son lit, rarement utilisé, défait et couvert de papiers griffonnés à toute vitesse. A sa droite, une grosse cuve en acier inoxydable qui lui servait de baignoire.

Il soupira, saisit un saucisson entamé et mordit dedans sans préambule...

[Hmmm... J'ai pas posté dans la bonne partie, je voulais le faire dans Les Quartiers... Tu me bouges ça, s'teuplé Elke?]

Temps maussade ce soir sur Ashwood. Une pluie incessante submergeait la ville, la lueur des lampadaires reflétaient sur les pavés mouillés des rues étroites du vieux quartier.

Elke Von Schwarzwald était invitée à dîner chez une amie d'enfance avec laquelle elle avait partagé son landau. Malgré qu'elle soit vêtue d'une cape, la jeune femme était trempée jusqu'à la moelle, et tentait de trouver un abri. Elle courait à petites enjambées, tenant sa capuche et serrant contre elle la boîte du gâteau qu'elle prévoyait d'offrir à son amie.
Enfin, elle parvint à se réfugier sous le portique d'une maison, et souffla un peu. Décidément, la pluie semblait déterminée à rester. Elke fouilla dans l'une de ses poches pour en ressortir un papier sur lequel elle avait noté l'adresse de son hôte... malheureusement pour elle, l'encre avait dilué, et ses écrits étaient illisibles.

"Fichtre..." lança Elke, complètement dépitée.

Elle tenta de se souvenir de la conversation d'avec son amie, il y a deux jours.

"Numéro 59... Non, 69... à moins que ce ne soit 96... Oui, 96, impasse de... de... merde, comment il s'appelle, déjà, ce con... Mais alors... 96... C'est à l'autre bout de la rue... Et puis... numéro 96 pour une impasse, ça fait un peu gros... A moins que ce soit... Oooh quelle misère, ce foutu temps !"

Karl sursauta légèrement. Il s'était assoupi, et avait entendu un coup léger à la porte. Surement pas quelqu'un qui frappait, car pas assez direct. Et puis, qui sortirait par ce temps? Surement un chat, ou un chien. Il se leva, s'étira, avala un nouveau morceau de saucisson, et se dirigea vers la porte, voûté, les yeux mi-clos, maudissant les animaux mal entretenus qui hantent les ruelles.
Il ouvrit la porte légèrement, faisant tomber en arrière Elke, adossée à la porte, qui réussit tout de même à retrouver son équilibre. Karl, l'esprit encore embrumé, entama la conversation d'un air maussade.

"Vous êtes?"

Elke manqua de se retrouver le crâne sur les pavés, eut une micro-seconde de pression et senti une certaine rage monter en elle.

"VOUS NE..." commença t-elle à hurler, mais se rattrapa et se dit qu'après tout, l'énergumène qui l'avait bousculé était dans son droit légitime, puisqu'elle se trouvait devant sa porte. Gênée de s'être emportée, elle eut un raclement de gorge forcé.

Elke avait du mal à distinguer son interlocuteur, tant la pluie était abondante et que sa cape lui collait la moitié du visage. Elle était vraiment trempée et méconnaissable, et sa silhouette inspirerait la crainte, même à une horde de goules (qui pourtant sont de nature inconscients, bref, passons...).

"Je suis confuse, lui répondit-elle enfin. Je cherchais désespérément un abri, je suis un peu perdue, d'ailleurs, vous pouvez peut-être m'ai..."

Elle s'interrompit et écarquilla les yeux.

"Mais ! Je... je vous connais, vous..."

Elle s'approcha pour scruter l'individu de plus près, ne se rendant pas compte que son geste était des plus impolis.

Karl se fit scruter par la personne, en ayant l'impression d'être reniflé par un gros chien mouillé. Il essaya de mieux ouvrir ses yeux, encore tous collés de fatigue, et observa l'observatrice créature. Malgré la pluie battante, il réussit à reconnaître les vagues traits d'une femme, et il lui semblait l'avoir déjà vue...

"Hé, mais... Vous êtes bien Mlle Von Schwarzwald?"

"Oh, mais oui, c'est bien moi, Monsieur Olsfer !" s'écria t-elle, les bras en l'air, lâchant sa boîte à gâteau et s'apprêtant à enlacer le fameux scientifique.
Mais quelque chose la retint soudainement... Après tout, elle n'avait pas à être autant familière avec celui-ci, auquel elle avait à peine parlé. De plus, il n'y avait ni arc-en-ciel, ni pâquerettes pour illustrer cet instant [HRP : Raf ! Rejoins-nous !].

Les bras toujours figés vers le haut, Elke jugea qu'il valait mieux les baisser pour éviter de continuer à avoir l'air stupide, et s'en servir pour ramasser la boîte de son gâteau, qui était -ô miracle et chance inouïe- tombé du bon côté.

"Je... Euh... Bonsoir... Quel hasard ! Haha..." bredouilla la jeune fille, noyée dans son embarras.

Karl avait esquissé un mouvement de recul -le bras en bouclier-, quand la jeune femme avait levé les bras. Plus tard, dans ses chroniques, il le décrira comme "un réflexe d'auto-défense", mais l'histoire n'en est pas encore là.
Il reprit sa position initiale, un peu gêné, en feignant un étirement dans une position peu naturelle, puis fit mine d'enlever une poussière imaginaire de sa blouse.
Il prit alors une décision illogique.

"Que faites vous ici? Enfin, rentrez, je vous prie, ne restez pas dehors par un temps pareil!"

A ce moment, sa seule pensée fut "Quel con...".

Peu convaincue par l'invitation de celui-ci, pourtant des plus courtoises, Elke voulu refuser :

"Oh, c'est fort aimable à vous ! Je ne voudrais pas vous déranger dans vos occupations, mais je n'aimerais pas non plus vous contrarier, le temps de quelques minutes alors, n'insistez pas ! Juste histoire de me sécher un peu ! Mais c'est bien parce que vous m'y forcez, haha !"

La jeune femme ne comprenait pas comment de tels mots aient pu sortir de sa bouche, et se demandait si une quelconque conscience la hantait et prenait le contrôle de ses dires et actes... Car maintenant elle avançait à son insu de plus en plus près de la porte de son hôte. Non pas que celui-ci la repoussait, au contraire, elle était rassurée de le croiser dans de telles circonstances, mais se retrouver dans une demeure où une fumée grise s'en échappait ne la rassurait guère. De plus, il se faisait de plus en plus tard, et elle n'avait aucun moyen de prévenir son amie, qui devait se faire un sang d'encre à l'heure actuelle (ou pas).

Karl referma la porte derrière elle et, tel le majordome voûté et boiteux d'un quelconque savant fou excentrique et romanesque, il la guida vers un fauteuil en cuir usé et sale, et l'invita à s'assoir.
Ceci dit, plus elle avançait dans la pièce, plus Elke devait se dire qu'IL était le fameux savant fou excentrique et romanesque. Les alambics gargloutaient tranquillement, des vapeurs âcres et légèrement teintées envahissaient les dernières traces d'air respirables, tandis que Karl s’évertua à enlever diverses paperasses de son propre fauteuil, avant de les jeter sur son lit.
Il entrouvrit la fenêtre et alla s'assoir, en reprenant son carnet d'un air laborieux.

"Alors, dit-il, ça bosse?"

Elke, tout en s'asseyant d'une manière lente, observa les moindres recoins de la pièce. Elle était à la fois fascinée, le regard obnubilé par un tel désordre (qui paraissait pourtant si organisé), et perturbée par la crasse qui régnait en ces lieux. Elle se dit qu'avec autant de détails qui constituaient la demeure du scientifique, elle pourrait rédiger un article d'au moins cinq pages, voire plus.

"Alors, lui demanda celui-ci. Ça bosse ? bosse bosse bosse bosse..."

Ces mots résonnaient comme un écho dans son crâne. Elke se remémorait les cours particuliers qu'elle prenait avec un architecte durant son adolescence, et celui-ci lui posait en permanence cette question, sans relâche... à en devenir un tourbillon infernal et cauchemardesque. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'elle avait cessé ses cours, et qui l'avait ramené à une voie de rédactrice. Mais cela ne nous regarde pas, ou du moins, très peu. Revenons à nos croûtons.

"Hein ?! Euh ! Je... Oui, lui répondit-elle. Je ne fait que ça en ce moment, je ne pensais pas être aussi rapidement surmenée après mes premières semaines d'embauche. D'ailleurs, c'est pour cela que j'étais dans le coin, afin de partager un dîner avec une amie et me distraire un peu... Mais impossible de me rappeler où elle loge..."